Si Richard Ferrand, comme François Fillon, est accusé d’avoir favorisé sa famille, les deux affaires diffèrent par les montants en jeu et surtout l’origine des fonds : publique pour Fillon, privée pour Ferrand.

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Depuis les révélations du Canard Enchaîné sur Richard Ferrand mercredi dernier, les anciens soutiens de François Fillon s’en saisissent pour dénoncer un supposé « deux poids, deux mesures », le Parquet national financier ne s’étant pas saisi du cas du nouveau ministre de la Cohésion des Territoires comme il l’avait fait pour l’ancien candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle.

Mais les deux affaires sont-elles équivalentes ? Dans le cas de François Fillon, un parlementaire a fait profiter, pendant plusieurs décennies, d’un million et demi d’euros à son épouse (et plusieurs dizaines de milliers d’euros à deux de ses enfants) pour un travail dont il n’y a toujours pas, à ce jour, de preuve tangible. C’est le contribuable qui a réglé la facture.

Dans le cas de Richard Ferrand, le directeur d’une mutuelle privée a fait louer par cette dernière les locaux de sa compagne. Lorsqu’il est devenu député, il a utilisé son crédit collaborateurs pour rémunérer son fils comme rédacteur, un travail de quatre mois payé au smic qui, d’après les premiers éléments connus, a bien été effectué.

Si les agissements de Ferrand sont condamnables au regard de la morale publique, sinon de la loi, il y a une claire différence de degré, et de nature avec l’affaire Fillon, comme l’a souligné l’éditorialiste Hubert Huertas :

« On répète qu’il faut en finir avec les emplois familiaux “parce que le public ne les supporte plus”, et non pas parce qu’ils sont choquants en soi. Et on fait comme si ce public ne les avait jamais acceptés, alors qu’il n’était tout simplement pas informé de leur existence.

[…]

[S]es contempteurs, Éric Ciotti ou Marine Le Pen en tête, feraient bien d’y regarder à deux fois avant d’aiguiser leurs réquisitoires. Concernant l’emploi familial, Ferrand a fait travailler son fils sur une période de quatre mois, en le payant au Smic, quand Fillon a employé, ou fait employer sa femme à cadence industrielle, pendant vingt-cinq ans, en la faisant rémunérer parfois plus cher que son député, sans qu’il y ait de traces de son travail.

Concernant l’emploi de l’épouse, les faits ne sont pas comparables. Fillon a “employé” la sienne en tant que député, donc sur fonds publics, quand Ferrand a avantagé sa femme, si les faits sont prouvés, alors qu’il n’était pas élu mais directeur d’une mutuelle. L’affaire centrale de l’actuel ministre ne se déroule pas dans le monde politique mais dans le secteur privé, sur fonds privés. »

Dans les deux cas, un reniement de la parole donnée

Certains des mêmes soutiens de Fillon arguent que Ferrand devrait démissionner du gouvernement car il a, au plus fort de l’affaire Fillon, dénoncé le népotisme parlementaire qu’il avait pourtant lui-même pratiqué, quoiqu’à bien plus petite échelle.

Mais dans ce cas, pourquoi Fillon ne se serait-il pas retiré alors qu’il avait lui-même attaqué Nicolas Sarkozy, puis Alain Juppé, sur leurs déboires judiciaires (en cours pour Sarkozy, passés pour Juppé), lors de la primaire de la droite et du centre ? Alors aussi qu’il avait promis de se retirer en cas de mise en examen, avant de se parjurer ?

Du reste, il n’a jamais été demandé à Fillon (du moins ici), de se retirer de la campagne présidentielle, mais simplement de rembourser les sommes indûment versées à sa famille, ce que plusieurs de ses proches soutiens lui suggéraient, et qu’il a lui-même envisagé, avant de s’y refuser.

Quant à Richard Ferrand, bien que les sommes en jeu soient modestes, il devrait probablement aussi, par souci de probité, rembourser les rémunérations de son fils à l’Assemblée nationale. Même si la loi ne l’y force pas.

Observatoire Corruption

Contribuables Associés contre la corruption et pour la transparence de la vie publique.