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À la suite de notre article sur l’ancien président de la région Haute-Normandie Nicolas Mayer-Rossignol qui a attribué en décembre 2013 une subvention de 200.000 euros à la société normande Nutriset, laquelle l’a recruté en mars 2016, le journal Paris-Normandie s’est fendu d’un article pour le moins partial… en faveur de Mayer-Rossignol et à charge contre l’Observatoire de la Corruption.
Forcé de reconnaître la véracité des faits exposés dans notre enquête, le journaliste Stéphane Siret se demande d’une part qui se « cache » derrière notre publication, et avance d’autre part que Contribuables Associés serait politiquement orientée à droite et donc forcément biaisée pour critiquer l’ancienne majorité socialiste de Haute-Normandie.
Nous avons demandé un droit de réponse à Paris-Normandie, d’autant plus nécessaire que le webmestre du site du journal a systématiquement censuré les commentaires que nous avons publiés à la suite de l’article (une copie du premier commentaire se trouve sur notre page Facebook).
Nous y rappelons les deux éléments suivants :
- Personne ne se « cache » derrière l’Observatoire de la Corruption : la parenté avec Contribuables Associés est clairement affichée sur le site.
- Par ailleurs, il suffit de regarder la liste des responsables politiques étiquetés à droite que nous avons épinglés pour comprendre que l’accusation d’une manœuvre de la droite contre la gauche ne repose sur aucun élément concret.
La raison de cette malignité de l’article de Paris-Normandie tient peut-être au fait que nous avons constaté la complaisance, ou a minima la crédulité de la presse locale et régionale normande quant aux explications données par Mayer-Rossignol en mars dernier.
Il n’est jamais agréable, pour les médias dits « classiques », de se faire rappeler leur rôle théorique de contre-pouvoir par des médias alternatifs et indépendants comme le sont le site de Contribuables Associés ou l’Observatoire de la Corruption. C’est cet amour-propre blessé des médias institutionnels qui en 2015 avait conduit L’Express à ajouter le site de Contribuables Associés à une liste noire de « sites d’intox », sans le plus petit début de preuve. À quoi peuvent bien servir les abondantes aides publiques à la presse écrite si des médias non-subventionnés font un meilleur travail ? Il y a en effet de quoi être vexé.
Mais est-il pour autant nécessaire, de la part de Stéphane Siret, de se faire à nouveau le porte-voix de Mayer-Rossignol alors que la preuve est désormais faite d’un conflit d’intérêts entre son mandat passé de président de Haute-Normandie et sa fonction actuelle de directeur du Pôle Développement de Nutriset ?
Au mépris des règles élémentaires de la déontologie journalistique (donner la parole aux différents protagonistes, en l’occurrence), Stéphane Siret n’a pas jugé judicieux de joindre Contribuables Associés (au contraire de Normandie-Actu), mais a en revanche offert une véritable tribune à Mayer-Rossignol dans la seconde partie de son article. Ce dernier déclare ainsi :
« Je n’ai rien à cacher. Comme je l’ai écrit, je n’ai piloté aucun soutien financier à Nutriset pendant ma présidence, en 2014 et 2015. Je n’ai pas non plus participé à aucune inauguration, pose de première pierre, visite ministérielle etc., impliquant cette entreprise. Il y a bien eu une demande de subvention de Nutriset, qui a été instruite bien avant mon élection. Elle a certes été votée le 9 décembre 2013, soit sous ma présidence, mais ce n’était que le vote formel (l’adoption s’est faite sans aucun débat et à l’unanimité de tous les partis politiques) d’un dossier ficelé depuis bien longtemps, avant ma présidence. Tout cela est public, connu depuis longtemps, encore une fois je n’ai rien à cacher. C’était près de deux ans et demi avant mon embauche chez Nutriset.
[…]Les choses étaient ficelées bien longtemps avant que je ne devienne président. Elles avaient été préparées avant la démission d’Alain Le Vern. Les Commissions permanentes ont été gelées durant plusieurs semaines et ont repris leur rythme après mon élection. Cette délibération est passée en quelques secondes et a été adoptée à l’unanimité. »
Mayer-Rossignol était vice-président chargé des Entreprises lors du dépôt du dossier de demande de subvention
Là encore, le journaliste ne fait pas preuve d’une grande opiniâtreté pour vérifier les dires de Mayer-Rossignol. Car si cette subvention a été votée deux mois seulement après son élection à la présidence du Conseil régional, il n’y était pas un nouveau venu. Il était en effet conseiller régional délégué aux entreprises et à l’innovation depuis les élections de mars 2010, puis vice-président chargé de l’Emploi, de l’Économie, des Entreprises et des Énergies (soit précisément le portefeuille compétent pour évaluer les demandes de subventions des entreprises) à partir de juin 2012, à la suite de la démission de Guillaume Bachelay, élu député.
Or, selon la directrice générale de Nutriset Adeline Lescanne-Gautier, c’est un mois plus tard, en juillet 2012, que la société a déposé sa demande de subvention (Mayer-Rossignol parle sur son profil Facebook d’août 2012). Mayer-Rossignol, alors le vice-président compétent en matière d’aides aux entreprises, n’a donc pas découvert le dossier à son accession à la présidence de la région en octobre 2013.
Ajoutons que dans une courte vidéo publiée sur la chaîne DailyMotion de Mayer-Rossignol en septembre 2015, Adeline Lescanne-Gautier lui apporte son soutien pour l’élection de décembre suivant (perdue face à Hervé Morin), expliquant :
« Il y a quelque temps, on a eu un petit blocage avec les Nations-Unies, et c’est vraiment son intervention personnelle et sa connaissance du dossier qui nous ont permis de nous en sortir. »
En septembre 2015, on est à seulement six mois du recrutement de Mayer-Rossignol par Nutriset, et cette intervention auprès des Nations-Unies correspond à ce qu’il est amené à faire depuis 2016 en tant que directeur du Pôle Développement de Nutriset.
Dans cette même vidéo, la directrice générale de Nutriset fait également mention de la subvention de décembre 2013. Il est donc difficile de ne pas voir dans ce soutien électoral, puis dans ce recrutement, un « remerciement pour service rendu » de Nutriset à Mayer-Rossignol.