Depuis la condamnation de l’ancien ministre de l’Économie Christine Lagarde, reconnu coupable (mais dispensé de peine) dans l’affaire de l’arbitrage Tapie, la Cour de Justice de la République (CJR) est au centre de tous les débats.

Si la responsabilité de l’actuelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) semblait en effet ne pas justifier de peine, c’est le bilan de la CJR qui interpelle : depuis sa création en 1994 à la suite de l’affaire du sang contaminé, son inaction a donné raison à ceux qui la voient comme une juridiction d’exception chargée de protéger les membres du gouvernement (actuels et anciens) du droit commun.

Elle n’a, en 22 ans d’existence, abouti qu’à quatre condamnations (celle de Christine Lagarde comprise), sans qu’aucune peine de prison ferme (donc effective) soit jamais prononcée.

Composée de 15 juges (dont 3 magistrats du siège issus de la Cour de Cassation, et 12 parlementaires, 6 pour chaque chambre), elle est nécessairement politisée, du fait de la prépondérance des députés et sénateurs.

À première vue, la CJR ayant pour mission de juger les membres du pouvoir exécutif, on peut penser que la présence de représentants du pouvoir législatif assure son indépendance. Mais contrairement au système américain où les liens entre les trois pouvoirs se limitent aux « checks and balances », les pouvoirs exécutif et législatif sont, en France, étroitement liés, sinon confondus.

On en a eu l’illustration à chaque période de cohabitation (1986-88, 1993-95 et 1997-2002) entre un président de la République et une Assemblée nationale de couleurs politiques contraires. Dans ces trois cas de figure, c’est le chef de la majorité parlementaire (respectivement Jacques Chirac, Édouard Balladur puis Lionel Jospin) qui est devenu chef du gouvernement.

En temps normal, c’est-à-dire lorsqu’il y a concordance entre le président de la République et la majorité à l’Assemblée nationale, le chef de l’État devient de facto à la fois le chef du gouvernement et celui de la majorité parlementaire, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale n’étant plus que des relais de l’Élysée. Cela explique par exemple que l’essentiel de la législation soit issu de projets de loi, déposés par le gouvernement, et non de propositions de loi, déposées par des parlementaires.

Dans de telles conditions, la CJR peut difficilement juger en toute indépendance, ses membres étant à la fois juge et partie en tant que représentants de la classe politique.

Lors de la campagne présidentielle de 2012, le candidat François Hollande avait promis de supprimer la CJR, une promesse qu’il s’est bien gardé de tenir.

À présent, c’est son ancien Premier ministre et désormais candidat à sa succession, Manuel Valls, qui prend cet engagement, d’autant moins crédible qu’il promet aussi de supprimer l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution (49.3, adoption d’un projet de loi sans vote ni débat contre la responsabilité du gouvernement), qu’il a utilisé à six reprises en deux ans.

Alors, qui croire ? Et comment espérer la suppression de cette juridiction d’exception par ses bénéficiaires-mêmes ? On est dans un cas de figure où le meilleur moyen de trancher ce nœud gordien serait la voie référendaire, mais il faudrait pour cela que le prochain président de la République s’y risque.

Ou alors, il faudrait qu’existe en France, comme en Suisse, une réelle procédure de référendum d’initiative populaire, au lieu de celle, adoptée en 2008, qui impose 20% des parlementaires (soit près de 200 députés et/ou sénateurs) et 10% du corps électoral (soit environ 4,5 millions de citoyens).

Mais pour cela, il faudrait qu’une révision constitutionnelle soit votée par 3/5e des parlementaires réunis en Congrès, lequel serait forcément convoqué par le président de la République… un véritable casse-tête.

Observatoire Corruption

Contribuables Associés contre la corruption et pour la transparence de la vie publique.