C’est une véritable entorse au principe de l’égalité devant la loi : la possibilité pour les élus de poursuivre des citoyens en justice en utilisant pour se défendre les ressources de la collectivité territoriale qu’ils dirigent, tandis que les citoyens doivent recourir à leurs propres moyens.
Les cas se suivent et se ressemblent, avec à chaque fois une asymétrie totale entre les édiles et leurs administrés :
- À Roquebrune-sur-Argens, dans le Var, le maire Luc Jousse s’est livré à un véritable harcèlement judiciaire contre Josette Mimouni, la présidente de l’Association citoyenne de contribuables roquebrunois (ACCR). Celle-ci dénonçait l’utilisation par le maire des voitures de fonction et des cartes d’essence de la commune pour se rendre dans ses résidences secondaires ou pour que ses fils aillent aux circuits de Magny-Cours et du Mans afin de suivre des courses automobiles.
- À Aigues-Vives, dans le Gard, le maire Jacky Rey poursuit depuis plusieurs années de sa vindicte l’association locale de contribuables afin de l’empêcher d’informer les citoyens sur la mauvaise gestion de la commune.
À chaque fois, l’élu local invoque sa propre protection contre la diffamation, mais, les faits étant avérés, il s’agit surtout de faire taire ses détracteurs en les attaquant au portefeuille. Une manœuvre d’autant plus facile que l’élu peut, lui, compter sur des ressources presque sans limite, l’argent des contribuables, pour assurer sa défense.
Cette situation s’est reproduite plus récemment en Isère, dans la commune de Pont-de-Claix. Le maire de cette ville de la banlieue grenobloise, Christophe Ferrari (par ailleurs président de la Métropole de Grenoble) poursuit en diffamation un journal satirique local, Le Postillon, pour un article dénonçant sa gestion des finances et du personnel de la collectivité.
Les dommages et intérêts demandés au journal — 21.000 euros pour le maire — forceraient son directeur à mettre la clef sous la porte si le tribunal accédait à cette demande. Ce qui assurerait à l’avenir que les pratiques relatées dans l’article ne soient plus portées à la connaissance du public…
Dans son ouvrage Pilleurs d’État, Philippe Pascot dénonce cette asymétrie et demande, comme Contribuables Associés, une responsabilisation financière des élus condamnés en justice, avec l’obligation de rembourser à la collectivité les frais de justice lorsqu’ils sont reconnus coupables.
C’est une demande qui semble irréaliste aujourd’hui, mais l’inéligibilité à vie des élus condamnés pour corruption semblait impossible il y a deux ans quand nous avons porté ce sujet sur la place publique. Elle est désormais en passe d’être adoptée dans le projet de loi dit « Sapin 2 ».
La question qui se pose, à ce stade, est plutôt : combien d’affaires de ce type devront-elles éclater avant que de véritables mesures soient prises ?
Eudes Baufreton
Délégué général
