Rappel : La tarte à la crème du jour : « bien payer les élus pour éviter la corruption »

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La semaine dernière, le chroniqueur de France Inter Guillaume Meurice proposait aux députés une réduction de leur indemnisation, aujourd’hui de 11.000 euros net par mois, au salaire médian des Français, soit environ 1700 euros net mensuel. Une division par 6,5 ! Évidemment, les députés interrogés n’étaient pas d’accord, même s’ils peinaient à fournir des motifs  de refus valables :

Attrapant la balle au bond, François Ruffin, le journaliste altermondialiste qui s’est fait connaître pour Les Petits soldats du journalisme, a carrément proposé de n’être indemnisé qu’au smic s’il est élu député (il est candidat dans sa ville, Amiens).

C’est cependant le salaire médian qu’a retenu Ruffin pour la pétition qu’il a lancée sur le site de Fakir, son journal.

Notons qu’il est possible d’aller encore plus loin : en effet, Alain Dumait, fondateur de Contribuables Associés, propose pour sa part que les mandats électifs et portefeuilles ministériels redeviennent bénévoles.

Admettons toutefois que les responsables politiques, et notamment les parlementaires et ministres, aient besoin de se consacrer à plein temps à leur fonction, et donc d’être rémunérés pour cela. Quel serait alors un juste niveau d’indemnisation ?

À ce stade, nous n’apportons pas de réponse définitive, mais ouvrons le débat. Avec une limite cependant : c’est bien à la baisse que les indemnités des élus doivent être revues, ceux-ci étant trop payés, comme nous l’expliquions dans notre Livre Blanc « Contre la corruption, le remède de la transparence ».

Deuxième règle à ce débat : ne pas invoquer pour la n-ième fois la tarte à la crème des étudiants en première année de science politique, à savoir qu’il faudrait « bien rémunérer les élus pour éviter la corruption » :

Cette idée relève du sophisme car elle implique qu’il existerait une limite matérielle à la corruptibilité. Or, aucune limite de ce type n’existe : la minorité d’élus corruptibles ne sera pas arrêtée par le fait qu’elle est déjà généreusement rémunérée. Comme le dit le proverbe, l’appétit vient en mangeant.

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Ci-dessous, le chapitre 3 de notre Livre Blanc, consacré à l’enrichissement personnel des élus :

S’il est normal que les élus soient correctement rémunérés pour exercer au mieux leur mandat, il n’est pas normal que des professionnels de la politique puissent constituer de véritables fortunes à force d’accumulerparfois sur des décennies, les indemnités et les privilèges. La fonction élective doit être un honneur, non un moyen de devenir riche.
Au départ pourtant, l’indemnisation des élus avait pour but d’ouvrir les fonctions électives à tous les citoyens. La pratique qui avait cours jusqu’à la Seconde Guerre mondiale était en effet celle de la gratuité des mandats. Ainsi, seuls des citoyens suffisamment fortunés pouvaient accéder aux responsabilités.
Cette idée louable a peu à peu été dévoyée au cours de la VRépublique avec l’augmentation continue des indemnités accordées aux élus.
Dans le cas des parlementaires, on est aujourd’hui dans une situation où le niveau des indemnités est manifestement supérieur à un niveau nécessaire aux élus pour assurer leurs fonctions. Députés et sénateurs touchent respectivement 10 918 et 11 416 euros net par mois, leur rémunération se décomposant en deux blocs :
Une enveloppe mensuelle comprenant une indemnité de base, une indemnité de fonction et une indemnité de résidence pour un montant global de 5 148 euros net par mois pour les députés, 5 379 pour les sénateurs ;
Une indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) de 5 770 euros par mois pour les députés, 6 037 pour les sénateurs.
Cette enveloppe échappe à tout contrôle(voir ci-après) et à l’impôt sur le revenu.
Les autres responsables politiques ne sont pas en reste :
• 14 910 euros brut par mois pour le Président de la République et le Premier ministre ;
• 9 940 euros brut par mois pour un ministre ;
• 9 443 euros brut par mois pour un secrétaire d’État ;
• 12 341 euros brut par mois pour un député européen ;
• 14 916 euros brut par mois pour un conseiller constitutionnel.
Ces rémunérations sont d’autant moins nécessaires à l’exercice des mandats que ceux-ci s’accompagnent de nombreux avantages qui permettent aux élus de ne pas effectuer de dépenses auxquels la plupart des Français sont soumis : prise en charge par les contribuables des déplacements, des communications, et même du logement pour le président de la République et les membres du gouvernement.
On ne s’étonnera donc pas qu’avec le temps, les élus puissent ainsi accumuler des patrimoines considérables.
Ainsi de Claude Bartolone, député depuis 1981 et président de l’Assemblée nationale. Professionnel de la politique qui a accumulé les mandats locaux et nationaux et les charges ministérielles depuis 35 ans, il a pu se faire construire il y a quelques années une somptueuse villa en très proche banlieue parisienne pour 2 millions d’euros.
N’ayant quasiment pas travaillé dans l’économie réelle – il est devenu député à 30 ans – Claude Bartolone a ainsi atteint un considérable niveau d’aisance en se contentant d’être élu, c’est-à-dire en vivant des indemnités financées par les contribuables.
Un véritable débat est donc nécessaire pour déterminer ce qui serait un juste niveau d’indemnisation pour les élus. Que ceux-ci soient correctement payés semble naturel, mais est-il normal qu’il soit possible de devenir riche en exerçant des mandats en principe désintéressés ?

Observatoire Corruption

Contribuables Associés contre la corruption et pour la transparence de la vie publique.