Le candidat à l’élection présidentielle a donné lundi une conférence de presse dans laquelle il a d’abord justifié le travail et le haut niveau de rémunération de son épouse et de ses enfants comme assistants parlementaires, avant de dire que cette pratique népotique était d’un autre âge et devait être interdite. Il n’a toutefois pas levé les doutes sur la réalité du travail des membres de sa famille. Et pour cause : s’il semble quasi-inexistant, c’est aussi parce que François Fillon aura été un député puis un sénateur particulièrement absentéiste.
Rappel :
- #PenelopeGate : pour l’interdiction du népotisme parlementaire
- Réel ou fictif, l’emploi de Penelope Fillon relève du népotisme
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Cela devait être une opération « cartes sur table », dans laquelle l’ancien Premier ministre allait répondre aux accusations qui lui sont lancées en faisant toute la lumière sur les faits concernés.
Mais de transparence il n’y a pas eu. Si François Fillon a reconnu la nécessité de mettre un terme au népotisme parlementaire, cette déclaration ne l’engage pas vraiment, puisque, qu’il gagne ou perde l’élection présidentielle, il ne se représentera pas à sa propre succession comme député de la 2e circonscription de Paris.
Fillon n’a d’ailleurs fait cette concession que du bout des lèvres, en l’expliquant par le changement des mentalités des Français et non par une position de principe, qui est qu’il inacceptable de faire profiter sa famille de l’argent public. D’ailleurs, il a commencé sa conférence de presse par une justification purement juridique de ses pratiques népotiques, alors que le fond du problème est éthique.
#Fillon : « Tous les faits sont légaux »… mais ce n’est pas le fond du problème : https://t.co/wk6stHJTFf #PenelopeGate #PenelopeFillon
— Obs Corruption (@Obs_Corruption) 6 février 2017
Autre déni de transparence : malgré les rumeurs de remboursement du quasi-million d’euros que représentent les emplois familiaux du parlementaire Fillon, celui-ci n’entend pas en rendre le moindre centime. Il est vrai que s’il l’avait fait, on aurait légitimement pu se demander comment un ménage dont la femme, jusqu’aux dernières nouvelles, ne travaillait pas et l’homme n’a jamais vécu que d’indemnités d’élus, pourrait débourser une somme que la plupart des Français ne gagnent pas en une vie.
À ce sujet, le dévoilement (tout relatif) de son patrimoine par Fillon renforce notre idée, énoncée dans notre Livre Blanc « Contre la corruption, le remède de la transparence » (page 7, « Enrichissement des élus ») selon laquelle les élus sont trop rémunérés. Le candidat de la droite et du centre a en effet déclaré un patrimoine foncier et immobilier (probablement sous-évalué) de près d’un million d’euros, sans qu’il ait jamais travaillé dans une entreprise privée ni même dans une administration.
Tout cela concourt donc à douter de la sincérité des déclarations du Sarthois sur d’autres points :
#Fillon « Mon épouse a dit qu’elle n’avait jamais fait de politique » Ce n’est pas ce qu’elle a dit https://t.co/6rfXgqPzFk
— Obs Corruption (@Obs_Corruption) 6 février 2017
Les attentions se sont beaucoup portées depuis lundi sur le mensonge de Fillon au sujet de la journaliste britannique, qui aurait selon lui écrit à son épouse qu’elle serait « choquée » par la rediffusion par « Envoyé Spécial » d’un extrait de son interview en 2007, dans lequel Penelope Fillon affirmait qu’elle n’a jamais travaillé pour son mari.
Peu de commentateurs se sont par contre émus du scandale que constitue l’annonce par Fillon des bénéfices de sa « société de conseil », qu’il a créée juste avant d’être élu député en 2012 (ce qui lui aurait ensuite été interdit pour prévenir les conflits d’intérêts) et lui a rapporté près d’un million d’euros depuis lors. À notre connaissance, seule Sophie Coignard dans Le Point a soulevé ce problème :
Il publie sa déclaration de patrimoine, un acte de transparence qu’il convient de saluer, mais ne semble pas redouter que l’on puisse s’interroger sur le fait qu’en 2013 il a touché plus de 340 000 euros de revenus grâce à sa société de conseil, et 121 000 en tant que député de Paris. Outre les interrogations légitimes sur l’identité de ses clients – qu’un élu de la nation devrait être tenu de rendre publique –, lui restait-il, au regard de ses émoluments, suffisamment de temps et d’énergie à consacrer à sa mission de parlementaire ?
Sophie Coignard a raison de poser cette question, aussi seule soit-elle à le faire, et nous pouvons lui répondre : non, François Fillon ne s’est pas consacré à son mandat, comme l’illustrent ses statistiques d’assiduité à l’Assemblée nationale :
Dès lors, une dernière question se pose : si François Fillon continue d’être payé 12.870 euros brut (1) d’argent public chaque mois pour une mission qu’il a à l’évidence délaissée, n’y a-t-il pas lieu de parler d’emploi fictif ? Et nous posons cette question non pas dans un sens juridique, qui encore une fois n’est pas pertinent dans cette affaire, mais bien éthique.
#Fillon déclare ses activités de conseil légales… mais tait l’absentéisme parlementaire qu’elles impliquent https://t.co/N027Lm2pKD pic.twitter.com/egJHemJO2z
— Obs Corruption (@Obs_Corruption) 6 février 2017
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(1) François Fillon s’est indigné que les montants des rémunérations des membres de sa famille aient été exprimés en brut et non en net, puisque c’est ce dernier qui est crédité sur le compte en banque du salarié. Sauf que, s’agissant d’argent public, le coût pour les contribuables est bien le même que le salaire brut.