Ce fut l’un des sujets les plus « chauds » de notre Rendez-Vous parlementaire sur la corruption.
Plusieurs députés s’étaient vivement opposés à l’intervenant Philippe Pascot qui qualifiait, comme Contribuables Associés avant lui, la réserve parlementaire de clientéliste.
Il s’agit d’une enveloppe, attribuée annuellement à chaque parlementaire, qui lui permet de subventionner des associations et des collectivités territoriales de sa circonscription (ou de son département pour les sénateurs), à raison de 130.000 euros par élu.
Malgré les dénégations des députés (extrait vidéo ci-dessous), l’usage constaté est en effet celui d’un achat de voix aux frais des contribuables, et au détriment du suffrage universel.
Plus grave sans doute, nous avons régulièrement pointé la quasi-absence de contrôle des subventions accordées. L’actualité récente donne du crédit à notre vision des choses, avec la condamnation du député de la 3e circonscription de Polynésie française Jean-Paul Tuaiva pour détournement de fonds publics, dont l’origine est précisément la réserve parlementaire ; si Tuaiva a décidé de faire appel, les faits dont il a été reconnu coupable en première instance n’en sont pas moins accablants :
Le tribunal correctionnel a rendu son délibéré ce jeudi matin dans l’affaire Team Lead.
Jean-Paul Tuaiva est condamné à une peine de 2 ans de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans pour détournement de fonds publics, ainsi qu’au remboursement d’une somme de 8,8 millions de francs. Le tribunal a en outre ordonné l’exécution provisoire de cette partie de la sanction. Jean-Paul Tuaiva écope aussi à titre complémentaire d’une peine d’inéligibilité de cinq ans. Il ne s’est pas déplacé au tribunal ce matin pour entendre le jugement. Il a dix jours pour faire appel.
Jean-Paul Tuaiva avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir alloué entre 13 et 15 millions de francs, ponctionnés sur sa réserve parlementaire de député entre 2013 et 2014, à l’association Team Lead de Punaauia. Une association à vocation d’insertion sociale pour les jeunes mais qui n’avait en réalité aucune activité. Le président de cette coquille vide, lui aussi condamné ce matin, se chargeait de retirer les fonds ainsi obtenus pour le compte de Jean-Paul Tuaiva. L’élu de Punaauia avait utilisé l’argent lors de voyages aux Etats-Unis, il en avait aussi distribué une partie à des proches sympathisants et aux églises de sa commune. Il s’en était également servi pour rémunérer des jeunes sans travail qu’il faisait travailler sans les déclarer pour le compte de ses sociétés.
Heirani Tavaearii, le président de Team Lead, a quant à lui écopé de 12 mois de prison avec sursis. Il devra rembourser solidairement avec Jean Paul Tuaiva la somme de 8,8 millions de francs.
Enfin, Vanina Hoftal, la soeur d’Heirani Tavaearii et présidente d’une autre association fantôme de Punaauia, « Punaauia dj’euns avenir » , est condamnée à 9 mois de prison avec sursis dans cette affaire.
La réponse pourrait être le contrôle a priori des subventions, mais pourquoi, tout simplement, ne pas supprimer une pratique dont l’avocat Jean-Philippe Feldman notait lors du Rendez-Vous parlementaire qu’elle contrevient au principe de la séparation des pouvoirs, en permettant au législateur national de s’ingérer dans des politiques exécutives locales ?
C’est l’objet de la proposition de loi en ce sens du député de Vendée Véronique Besse, que Contribuables Associés soutient par une pétition (à laquelle vous pouvez accéder en cliquant ici) :
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À voir aussi, la vidéo de Contribuables Associés « Réserve parlementaire : 136 millions d’euros, le coût du clientélisme » :