Le député PS du Pas-de-Calais a feint l’étonnement en entendant que son assistant donne des cours de lobbying dans une école spécialisée. Or, il a donné son nom à une promotion de la même école, dont il est diplômé et a même été l’actionnaire…
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Nous avions laissé Nicolas Bays au cœur de la (trop) brève polémique qui avait suivi la publication du livre de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, Nos très chers émirs.
Le député socialiste du Pas-de-Calais figurait en bonne place parmi les responsables politiques qui monnayaient des faveurs sonnantes et trébuchantes auprès du Qatar en échange de leur mansuétude à l’égard de l’émirat gazier souvent accusé de favoriser le djihadisme (à raison, si l’on en croit Chesnot et Malbrunot).
Mais pour paraphraser Ségolène Royal, qui connaît Nicolas Bays ? Il s’était fait voler la vedette par Jean-Marie Le Guen, contre lequel portaient des accusations autrement plus graves (qui ne l’empêchent pas de rester au gouvernement sans avoir eu à s’expliquer).
Vu qu’il ne brille guère par son travail législatif, c’est incidemment que Bays a refait parler de lui, à la faveur du #PenelopeGate. Enquêtant sur les assistants parlementaires, l’émission « C politique » a découvert que son attaché donne des cours de lobbying parlementaire dans une école spécialisée :
Réaction du député : la surprise, et la promesse que son assistant cessera ses douteuses activités dès l’interview terminée.
On peut ici saluer l’aplomb de Bays, digne de Mathieu Kassovitz dans Le Bureau des Légendes.
Car il est peu probable qu’il ignorait tout des enseignements de son assistant dans une école dont une promotion (2013-2014) porte son nom :
En honorant ainsi le parlementaire, l’Institut supérieur européen du lobbying (ISEL) récompensait en réalité l’un de ses anciens élèves ayant réussi dans le lobbying au point d’occuper un siège de l’Assemblée nationale. Voici une photo de la promotion Michel Rocard (2009-2010), sur laquelle il est facilement identifiable au centre, lors d’une visite au Parlement européen avec ses petits camarades :
Si l’école est basée à Paris, le master qu’a suivi Bays est consacré au lobbying européen et a donc pour théâtres Bruxelles (cf. photo ci-dessus) et Strasbourg, comme il le confiait en toute quiétude aux journalistes du Lab après son élection en 2012 :
En 2004, j’ai été le collaborateur du député européen Jean-Louis Cottigny. J’ai décidé ensuite de quitter la vie politique pour me consacrer à autre chose. On ne sait plus ce qu’est la vie quand on est confronté à la politique. Je voulais retrouver le « vrai » monde du travail. Je deviens directeur d’une entreprise de formation d’élus en 2009 et je passe un master de « lobbying européen » à Strasbourg. J’anime également une émission politique sur Ma Chaîne Etudiante, Les politiques face aux jeunes.
L’« entreprise de formation d’élus » est mentionnée dans sa première déclaration d’intérêts ; il déclare en 2014 en être actionnaire. Il s’agit de l’Institut supérieur des élus. Domicilié jusqu’en 2015 dans sa permanence parlementaire de Wingles (Pas-de-Calais), il est désormais sis au 10 rue du Delta, dans le 9e arrondissement de Paris. Une adresse comme une autre, si ce n’était aussi celle de l’Institut supérieur européen du lobbying (ISEL) mentionné plus haut.
L’observateur avisé notera d’ailleurs qu’en contractant « Institut supérieur des élus » on obtient « Isel ». Et pour cause : l’école de lobbying est, tout simplement, un département de ce cabinet de conseil évoqué dans le reportage de « C Politique ».
Toutefois, même un adepte du mélange des genres comme Nicolas Bays s’est aperçu du problème. C’est pourquoi on ne trouve plus trace de sa participation financière dans l’Institut supérieur des élus dans sa déclaration d’intérêts et d’activités rectificative de février 2017.
Nicolas Bays a tellement bien fait le ménage que cette déclaration rectificative contredit la précédente. En effet, Bays déclare qu’à la date de l’élection (2012), il n’avait aucune activité de consultant ou de participation financière dans une société, alors qu’il mentionnait celle-ci en 2014.
Il est intéressant de relever le « timing » de ce nettoyage : le 9 février, soit trois jours après le dévoilement par François Fillon, contraint par l’opinion publique, des clients de sa société de « conseil ». Nicolas Bays a-t-il senti le vent mauvais et, pris de panique, effacé les traces qui pouvaient relier ses pratiques à celles du candidat de la droite et du centre en pleine tourmente ?
Est-ce en raison de cette panique que le député a feint la stupéfaction devant la révélation de l’activité de formateur en lobbying de son assistant, une activité qu’il ne pouvait ignorer par ses fonctions passées au sein de l’école ?
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Addendum : D’ailleurs, il se pourrait fort que Nicolas Bays soit le collègue de son propre assistant au sein du corps professoral de l’ISEL, où l’on trouve un certain « Nicolas Beis ». Quasi-homonymie avec un violoniste néerlandais qui donnerait subitement des cours de lobbying en français, ou faute (volontaire ?) de saisie ?